dimanche 22 mai 2005

Questionnaire Sophie Calle - Grégoire Bouiller, les inrockuptibles #493

Quand êtes-vous déjà mort ?
Ce matin, au moment de la sonnerie de mon réveil.
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Je viens de vous le dire, un réveil, Ducon.
Que sont devenus vos rêves d’enfants ?
C’est un peu particulier dans mon cas, car j’ai été élevé par une bête dans une grotte. C’est ma marraine, Simone. J’ai bu au sein jusqu’à l’âge de 20 ans. Je mesure 6 mètres.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres ?
J’ai l’impression que vous ne m’écoutez pas.
Vous manque-t-il quelque chose ?
De l’art. Peu de gens créent. Or, j’affirme que tout le monde peut être un artiste.
Pensez-vous que tout le monde puisse être artiste ?
Mais qui êtes vous ?
D’où venez-vous ?
Et que font ses parents ?
Jugez-vous votre sort enviable ?
Depuis que j’ai renoncé à faire quoi que ce soit de mon argent, j’estime avoir une vie enviable, oui. Sauf lorsque je fais la vaisselle.
À quoi avez-vous renoncé ?
...
Que faites-vous de votre argent ?
...
Quelle tâche ménagère vous rebute le plus ?
(tousse).
Quels sont vos plaisirs favoris ?
Écouter Simone. Elle joue merveilleusement du piano. Elle est géniale. Elle a fabriqué son piano toute seule avec des trucs récupérés. J’adorerais qu’elle me l’offre.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Tout sauf un T-shirt trop grand de Phil Collins, un DVD d’Austin Powers ou un slow d’Elton John vieux. Je déteste.
Citez trois artistes vivants que vous détestez.
Je ne répondrai pas à cette question vicelarde qui cherche de manière détournée à savoir quels artistes vivants on déteste. C’est de la manipulation sournoise.
Que défendez-vous ?
La liberté de m’arrêter de répondre maintenant. Je sens que je faiblis.
Qu’êtes-vous capable de refuser ?
Rien... OK, je continue.
Quelle est la partie de votre corps la plus fragile ?
Les yeux. Je n’aime pas voir. Quelquefois, je me réveille, je déjeune, et puis je vois. Je n’aime pas ça. Ça m’agace.
Qu’avez-vous été capable de faire par amour ?
Par amour, j’écoute les reproches, j’essaie de les comprendre, de changer.
Que vous reproche-t-on ?
Rien.
À quoi vous sert l’art ?
À me faire aimer plus que les autres, sans doute.
Rédigez votre épitaphe ?
« À l’hôpital Velpeau ? »
Sous quelle forme aimeriez-vous revenir ?
En réveil, pour devenir un agresseur !

mardi 3 mai 2005

JE VAIS CHANGER (2005)

  1. J'ai changé
  2. Avril 4000
  3. Ces mots stupides (en duo avec Jeanne Cherhal)
  4. Tu ne peux rien faire
  5. Non merci
  6. Notre homme
  7. Je te manque
  8. L'homme patient
  9. Il pleut dans ma bouche
  10. Démonia
  11. Elle fréquentait la rue Pigalle
  12. Simone
EMI/Virgin - Editions BMG/Universal


Photo et graphisme : David Zacharias
Réalisé par Albin de la Simone
Enregistré et mixé par Jean-Baptiste Brunhes aux studios Vega et Ferber
Avec Jérôme Goldet (basse), Pascal Colomb (guitares), Fabrice Moreau et Patrice Renson (batterie)...

lundi 2 mai 2005

Présentation de Je vais changer par Christophe Conte

Je vais changer, dit-il, mais vous n’êtes pas obligés de le croire. Pourtant, il s’est passé tant de choses depuis son premier album, tombé de nulle part ou presque en 2003, qu’Albin de la Simone ne pouvait rester de marbre à l’approche du second, inflexiblement drapé dans ses principes et droit dans ses bottes. Changer oui, mais changer quoi ? Alors que ses chansons ne ressemblent à rien de connu, n’épousent aucune des lignes officielles de la Chanson Française - nouvelle ou moins nouvelle - un moindre battement d’aile aurait pu en compromettre les délicats équilibres, provoquer une cascade de petits changements méchamment irréparables. Alors qu’on rassure son public – passé, actuel et même futur – Albin a changé mais il a conservé l’essentiel. Il ne porte plus de débardeur en éponge, ne chausse plus du 18 mais il est toujours cet enfant qui s’amuse avec la musique et les mots comme s’il s’agissait d’un Meccano, d’un Lego pour l’ego, accessoirement d’une thérapie (qui chante). Et surtout, changement de taille : il ne se cache plus. Rappel des faits : Albin de la Simone est l’un des musiciens dont nombre de chanteurs français – nouveaux ou moins nouveaux – aiment à s’attacher depuis quelques années les services. Son premier album, il l’a conçu en passager clandestin, une fois les séances de studio terminées pour les autres, entre chien et loup dont il s’improvisa le dompteur, en organiste onaniste et en parolier soliloquant. Seuls quelques visiteurs du soir, Feist et Souchon pour une paire de duos mémorables, vinrent troubler cette solitude volontaire. Le miracle eût lieu, on lui proposa de sortir un disque de ces chansons de la 25ème heure, et la critique unanime ne tarda pas à applaudir le style bondissant, l’humour à couleur variable – du jaune au noir – et l’écriture pour le moins cocasse de ce garçon nullement empesé comme tant d’autres par les citations et les lieux communs. 

Encore un peu trop bizarre pour toucher le cœur du grand public, Albin aura réussi à constituer autour de ses concerts une petite amicale prometteuse de fans. Il a beaucoup tourné, jamais en rond, rarement en bourrique, parfois en vedette américaine et parfois en vedette tout court, poursuivant néanmoins ses à-côtés toujours plus nombreux : il a joué sur scène avec Murat, accompagné en studio l’éclosion des derniers JP Nataf et Mathieu Boogaerts – dont le style lunaire a inspiré au passage la chanson J’ai changé. Il a même réalisé pour la première fois un disque, celui de Bastien Lallemant, en quatre jours chrono. Il était fin prêt, après tel exercice sans filet, pour attaquer la réalisation du sien. Il a changé, au moins sa méthode. Pour l’enregistrement du second album, il en a terminé avec les heures volées au sommeil et l’isolation claustrophobe. Albin a rassemblé un groupe autour de ses instruments, filé vers le sud – au studio Véga de Carpentras –  et laissé ses airs respirer dans les poumons des autres, les chansons se métamorphoser sous l’impulsion collective. Du coup, une vitalité nouvelle y circule, de grandes bouffées de naturel les soulèvent, les trouvailles jaillies de l’improvisation se font plus nombreuses, tandis qu’il a retrouvé au mixage sa complicité quasi télépathique avec Renaud Letang et Jean-Baptiste Brunhes. Pour un bon aperçu des humeurs les plus solaires, quasi californiennes, de l’album, se reporter à Tu ne peux rien faire ou Je te manque, deux chansons qui attendrissent leur désespoir à grand renfort d’harmonies pop et apaisantes. C’est moins le cas sur le lugubre et magnifique Notre homme, où Albin quitte un instant son petit manège enchanté pour s’en aller sur un terrain pour le moins glissant, dont il ressort non seulement sans fracture mais avec en prime une profondeur de champ (et de chant) nouvelle. 
Tout l’art de funambule auquel il nous avait habitué avec le premier album, perché sur un fil entre le rire et l’effroi, devient ici carrément un exercice de haute voltige. Les souvenirs éparpillés de sa jeunesse, évoqués en deux endroits, prennent ainsi tour à tour l’aspect truculent d’un jerk enragé lorsqu’il évoque de cauchemardesques virées en boîte (Non merci) et ailleurs celui d’une vision nocturne onirique proche de Tim Burton (Il pleut dans ma bouche). À ce surréalisme végétal répond par contraste le réalisme urbain de Elle fréquentait la rue Pigalle, classique du Paname d’avant-guerre (Piaf, 1939) dont Albin détourne la gouaille originelle d’une voix blanche comme une lame de couteau.

Plusieurs invités de marque se bousculent à l’entrée de Je vais changer. À commencer par la piquante Jeanne Cherhal, le temps d’un remake tout en frottements de voix câlines du fameux duo incestueux, Something stupid, jadis roucoulé par Frank et Nancy Sinatra. Autre invitée : la guitare. À l’époque premier album, l’emmanchée était restée au clou, elle fait ici une entrée particulièrement remarquée. On l’entendra ainsi saucissonner le refrain euphorique de Avril 4000, tournoyer de façon maléfique autour de Notre homme ou emprunter des accents Harrisoniens pour les beaux yeux virtuels de Démonia. Dernière invitée, et pas des moindre : Simone, ou plutôt LA Simone. Cette créature, mi-aquatique, mi-imaginaire, est à la fois la marraine d’Albin et la concierge scrupuleuse de son site internet. Elle est parfois sa mauvaise conscience, certains jours elle est sa muse, d’autres fois Albin s’exclame dans un élan flaubertien : «  Simone, c’est moi. » Dans son corps coule du sang arc-en-ciel de Caméléon. À la fin de la miniature effrayante et drolatique qui lui est consacrée, au terme de l’album, vous resterez ainsi en son humide compagnie le temps d’un récital de 20 minutes, entre piano-bar mal barré (ça tangue un peu) et après-midi d’une jeune fille en fleur qui pianote pour tuer l’ennui. Simone existe vraiment, c’est bien elle qui joue, elle a dix ans de conservatoire dans les pattes, mais ça non plus vous n’êtes pas obligé de le croire.    

Christophe Conte - 2005

Je vais changer, livret complet



1 - J'AI CHANGÉ
Paroles et musique : Albin de la Simone © BMG publishing


J'ai pesé dix kilos dont deux de vélo, en pantalon velours et débardeur éponge. J'ai chaussé du 18, du 28, du 38. J'ai eu les fesses rouges, du talc dans les langes, les cheveux gras et longs. J'ai d'ailleurs été blond, de zéro à huit mois puis à quinze ans. Tu vois, j'ai changé, j'ai changé, j'ai changé, ne t'inquiète pas.
J'ai menti à ma mère, volé de la monnaie. Ça, je n'ai jamais su me taire, on me l'a reproché, mais au moins à présent, je le sais, je le sais. J'ai eu l'air frénétique, hautain et colérique, ou mou comme une limace, comme un œuf que l'on casse. J'ai rêvé de judo, aïkido.
Tu vois, j'ai changé, j'ai changé, j'ai changé, ne t'inquiète pas. Tu vois, j'ai changé, j'ai changé, j'ai changé, je peux changer.
Puis hier aux aurores, mon âme et puis mon corps, tordus par l'alcool fort, ont su te mal aimer. Je ne sais pas pourquoi, pas encore, pas encore. Mais tu vois, j'ai changé, j'ai changé, j'ai changé, ne t'inquiète pas. Tu vois, j'ai changé, j'ai changé, j'ai changé, je peux changer. Tu vois, j'ai changé, j'ai changé, je peux changer, je vais changer. Tu vois, je vais changer, je vais changer, je vais changer, je vais changer. Tu vois, je vais changer, je vais changer, je vais changer, je vais changer.


Pascal Colomb : guitare nylon
Jérôme Goldet : basse
Fabrice Moreau : batterie
Jeanne Cherhal : guimbarde
Albin de la Simone : Helmut, farfisa, percussions





2 - AVRIL 4000
Paroles et musique : Albin de la Simone © BMG publishing


Un matin d'avril quatre mille, nous nous rencontrerons dans un bouiboui de Vintimille, la foudre pour de bon. Tu cacheras sous une cape ton corps alphabétique, je mâcherai pour toi la nappe, hurlerai des cantiques. Nous ne verrons que nous ne verrons que nous ne verrons que nous. Nous n'aimerons que nous n'aimerons que nous n'aimerons que nous.
Dressés en bûcher par la foule, nos corps brûleront d'aise, cent dix kilos de chair de poule pavanant dans la braise. Nos âmes enfin libérées n'auront qu'à se vêtir. En épluchant le monde entier, elles pourront bien choisir. Nous ne verrons que nous ne verrons que nous ne verrons que nous. Nous n'aimerons que nous n'aimerons que nous n'aimerons que nous.
Mano a mano dans les rues fondues par l'amour fou, abasourdis par la cohue, d'un bond de kangourou nous sauterons dans un avion et filerons vers l'Est pour dans les forêts du Japon nous dévorer les restes.
Nous ne verrons que nous ne verrons que nous ne verrons que nous. Nous ne verrons que nous ne verrons que nous ne verrons que nous. Nous n'aimerons que nous n'aimerons que nous n'aimerons que nous.
Nous n'aimerons que nous n'aimerons que nous n'aimerons que nous.
Nous n'aimerons que nous n'aimerons que nous n'aimerons que nous.


Pascal Colomb : guitare électrique
Jérôme Goldet : basse
Patrice Renson : batterie
Albin de la Simone : Helmut, Farfisa, piano, guitare électrique, timbales





3 - CES MOTS STUPIDES (en duo avec Jeanne Cherhal)
Paroles et musique : C. Carson Parks - Adaptation :  Maurice Tézé
Titre original : "Somethin’ stupid"  © 1967 - Editions Warner Chappell


Je sais que tôt ou tard, tu voudras bien sortir un soir en camarade avec moi. J'essaierai d'être gai(e) pour te faire rire, mais je sais que je ne verrai que toi. Et quand nous serons las d'avoir dansé nous irons prendre un dernier verre, quand même. C'est là que je gâcherai tout en te disant ces mots stupides : je t'aime !
Et dans tes yeux je lirai que j'ai trahi notre amitié, que je suis comme les autres. Bien vite je m'en irai sans même te dire que si je t'aime, ce n'est pas de ma faute.
Cela fait si longtemps que je suis là, le cœur battant, à ne plus penser qu'à toi. À guetter ton regard, en espérant toujours y voir un peu de tendresse pour moi. Mais si  à cet instant, très doucement, je sens ta main se poser sur la mienne, de joie, je crois, je pleurerai en répétant ces mots stupides : Je t’aime !
Mais, si à cet instant, très doucement, je sens ta main se poser sur la mienne, de joie, je crois, je pleurerai en répétant ces mots stupides : Je t'aime ! Je t'aime ! Je t'aime !

Éric Löhrer : guitare acoustique
Pascal Colomb : basse
Patrice Renson : batterie
Albin de la Simone : Helmut, orgue, piano, guitare électrique




4 - TU NE PEUX RIEN FAIRE

Paroles et musique : Albin de la Simone © BMG publishing


S'il m'arrive d'être dur, de mauvais poil ou tendu, éloigne-toi, c'est néfaste. Attends la fin de l'orage, tu ne peux rien faire. S'il m'arrive de me plaindre de mes douloureuses règles, si les spasmes me font geindre, vomir et pleurer ma mère, tu ne peux rien faire. Mais simplement, pour que revienne le goût perlé de nos tendres pelles, embrasse-moi… Embrasse-moi… Je ne vois que ça.
Si je fume comme un trou entre deux quintes de toux, si tu crains ma mise en bière, ne dis rien, j'ai déjà peur. Tu ne peux rien faire. Mais simplement, pour que revienne le goût perlé de nos tendres pelles, embrasse-moi… Embrasse-moi… Je ne vois que ça.
Si je grossis, si je suis con, si je me morfonds, tu ne peux rien faire. Si je me bloque, si je me braque, si je ne dors plus, tu ne peux rien faire. Si j'ai choisi, si je crois en toi, et même, même si je t'aime, tu ne peux rien faire.


Pascal Colomb : guitare acoustique, chœurs
Jérôme Goldet : basse
Fabrice Moreau : batterie
Albin de la Simone : piano, farfisa, tambourin, chœurs

 


5 - NON MERCI

Paroles et musique : Albin de la Simone © BMG publishing


Impossible d'y échapper, moi je n'étais pas pour. Ma sœur et sa cour en soirée, c'est pas mon truc, ça me rend sourd. Mais comme toujours, sois pas con tu vas adorer.
Me voilà serré comme un veau, au moins douze dans la 4L. Mes trois cousines sur les genoux, ça pue la laque ou bien le gel. C'est loin, c'est long ! Je tiendrai pas fais demi-tour.
Non, non, non, non, non merci. Merci je ne danse ja... Non, non, non, non, non merci. Merci je ne danse jamais. Jamais.
Mon petit corps, ma grande tête, dans des habits trop grands, à contrecœur joignent la fête. Tout est laid, allons-nous en ! Toujours les mêmes… Vous allez voir il est marrant. Marrant mon cul ! C'est qui la brune ? Rallumez les lumières ! Ça sent la bière, c’est qui la brune ? La bière et le champagne tiède. Qu'est-ce qu'elle me veut ? Allez-vous-en, j'ai des poux.
Non, non, non, non, non merci. Merci je ne danse ja... Non, non, non, non, non merci. Merci je ne danse jamais. Viens dans la grange...
Tann dagadon tann dagadon don. Tann dagadon tann dagadon don. Tann dagadon tann dagadon don. Tann dagadon tann dagadon don etc.
Non, non, non, non, non merci, merci je n'ai jamais fait... Non, non, non, non, non merci, merci je n'ai jamais cou... Non, non, non, non, non merci. Non, non, non, non, non merci, merci je n'ai jamais cou... Non, non, non, non, non merci, merci je n'ai jamais jamais. Jamais.
Tann dagadon tann dagadon don. Tann dagadon tann dagadon don. Tann dagadon tann dagadon don. Tann dagadon tann dagadon don etc.


Patrice Renson : batterie
Jérôme Goldet : basse
Albin de la Simone : piano, clavecin, guitare électrique, tambourin






6 - NOTRE HOMME
Paroles et musique : Albin de la Simone © BMG publishing


Au départ, c'était un ami d'amis entré par la douceur dans nos vies. Un grand seigneur, un érudit, un homme fascinant, magnétique. Lui-même était papa, et bon papa. Pour nous tous, il était auréolé d’un parfum si doux, pur et rassurant, qu’on nous confiait à lui sans hésiter. Alors cet homme que tout protège - tout et finalement nous-mêmes - nous a offert en privilège le plus étouffant des baptêmes.
Et nous, petits insectes légers et curieux, attirés par la bête comme par le feu, nus sous les assauts de la baladeuse, avons avalé, digéré. Puisque cet homme que tout protège - tout et finalement nous-mêmes - nous a offert en privilège le plus douloureux des baptêmes. C'est notre homme, à nous, à vie.


Pascal Colomb : guitare électrique
Patrice Renson : batterie
Albin de la Simone : basse, harmonium





7 - JE TE MANQUE

Paroles et musique : Albin de la Simone © BMG publishing


Les bains de boue, d’algues et de bulles… À Pompadour, mon étoile brille. Dans les remous, mon corps ondule, j’en ai rêvé, enfin la quille. À poil dans un peignoir en or, pieds nus sur la moquette épaisse, j’arpente de longs corridors, caresse les murs en peau de fesse. Je te manque, c’est certain. Je te manque, je suis bien, enfin.
Ici, la musique est bien douce. Dans ma chambre et partout ailleurs, les violons nagent dans la mousse, c’est la douceur, c’est l’ascenseur. Je sympathise avec des gens, des gens âgés venus d’orient. On ne parle pas, ils sont sourds, on se regarde, on fait l’amour. Je te manque, c’est certain. Je te manque, je suis bien, enfin.
Après minuit, l’hôtel est mort. Je me cannabisse et me saoule, zappe du pouce priant le sort de m’offrir un film de boules. Les bains de boue, d’algues et de bulles… Mon regard meurt sous les concombres. Ma mélancolie s’accumule, je me dissous dans les décombres. Je te manque, c’est certain. Je te manque, je suis bien, enfin.


Pascal Colomb : guitare électrique, basse
Patrice Renson : batterie
Jean-Michel Bourroux : castagnettes
Albin de la Simone : piano, Memorymoog, Chœur-machine






8 - L’HOMME PATIENT
Paroles et musique : Albin de la Simone © BMG publishing


Les ongles courts, la barbe rase, l'haleine fleurie, le sourire net ; un homme de cinquante-deux ans combat pour abriter trois roses du vent et de la pluie battante. Depuis une heure, l'homme patiente sous les lumières de Saint-Mandé, pose les yeux en alternance sur une horloge, un escalier, son téléphone et la forêt. Depuis une heure, bientôt deux, l'homme patient rejette une pensée : l'objet même de sa patience - cette femme - ne viendra jamais. Cette femme ne changera jamais.
Cette femme continuera pour financer son corps en manque, pour irradier son sang fané, à s'agenouiller dans les bois. L'amour ne la guérira pas.
Les ongles longs, la barbe drue, cinquante-deux ans et dix jours, l'homme patient ouvre les yeux, cette femme ne viendra jamais. La vie ne s'arrête pas là, surtout pas là.


Patrice Renson : batterie
Albin de la Simone : guitares, basse prophet V, percussions, chœur-machine






9 - IL PLEUT DANS MA BOUCHE
Paroles et musique : Albin de la Simone © BMG publishing

Il pleut dans ma bouche, sous ma langue un lac couvert de feuilles rousses. Il pleut dans ma bouche, sur un tapis d’humus où paissent mes molaires. Et mes parents dorment dans leurs deux lits.
Il pleut dans ma bouche de septembre à décembre, pas une bruine, une pluie drue. L’amalgame fondu dégouline en un ru. Et mes parents dorment dans leurs deux lits.
Il pleut dans ma bouche noyant ma langue et mes abcès. Il pleut dans ma bouche sur mes dents arrachées. Il pleut dans ma bouche. Il pleut dans ma bouche et je reste couché.



Pascal Colomb : guitare électrique, banjo
Albin de la Simone : ukulélé, piano, chœur-machine






10 - DÉMONIA
Paroles et musique : Albin de la Simone © BMG publishing


J'aime prendre le contrôle du ferme et gracile corps de Démonia. Seul devant mon i-mac, en tenue d'Adam, je passe à l'attaque. Cette fille n'est pas facile, loin de là. Deux croix, deux ronds, c'est mon premier coup. Démonia culbute, elle tombe à genoux.
Souris, suis ma souris… Tantôt à droite, tantôt à gauche. Souris, ma souris… Tantôt de face, tantôt de dos.
Assoiffé de bonus, je cherche l'astuce, le détonateur. De gré de force, il faut que je glisse dans un interstice une clé en or. Caracoler à l'écart des flammes pourvu qu'enfin, armée jusqu'aux dents, Démonia franchisse le col du Mont-Blanc.
Souris, suis ma souris… Tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt de face, tantôt de dos.
Seul devant mon i-mac, cigarette au bec, je regarde l'heure. Il est grand temps d'oublier tout ça, Angèle m'attend dans la chambre en bas.
Souris, suis ma souris… Souris, ma souris… Tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt de face, tantôt de dos. Tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt de face, tantôt de dos.


Jérôme Goldet : basse
Patrice Renson : batterie
Albin de la Simone : Helmut, cheeze-machine, guitare électrique






 11 - ELLE FRÉQUENTAIT LA RUE PIGALLE

Paroles : R. Asso – Musique : L. Maitrier  1939



Elle fréquentait la rue Pigalle. Elle sentait le vice à bon marché. Elle était toute noire de péchés avec un pauvre visage tout pâle. Pourtant, il y avait dans le fond de ses yeux quelque chose de miraculeux qui semblait mettre un peu de ciel bleu dans celui tout sale de Pigalle.
Il lui avait dit vous êtes belle mais d'habitude, dans ce quartier-là, on dit jamais les choses comme ça aux filles qui font le même métier qu'elle. Et, comme elle voulait se confesser, il la couvrait toute de baisers en lui disant laisse ton passé, moi je vois qu'une chose, c'est que tu es belle.
Il y a des images qui vous tracassent et quand elle sortait avec lui, depuis Barbès jusqu'à Clichy son passé lui faisait la grimace. Et sur les trottoirs plein de souvenirs, elle voyait son amour flétrir alors elle lui demanda de partir. Et il l'emmena vers Montparnasse.
Elle croyait recommencer sa vie, mais c'est lui qui se mit à changer. Il la regardait tout étonné disant je te croyais plus jolie. Ici, le jour t'éclaire de trop, on voit tes vices à fleur de peau… vaudrait peut-être mieux que tu retournes là-haut et qu'on reprenne chacun sa vie.
Elle est retournée dans son Pigalle, y a plus personne pour la repêcher. Elle a retrouvé tous ses péchés, ses coins d'ombre et ses trottoirs sales. Et quand elle voit des amoureux qui remontent la rue d'un air joyeux, il y a des larmes dans ses grands yeux bleus qui coulent le long de ses joues toutes pâles.


Pascal Colomb : guitare électrique
Jérôme Goldet : basse, larsens
Fabrice Moreau : batterie
Albin de la Simone : piano, farfisa






12 - SIMONE
Paroles et musique : Albin de la Simone © BMG publishing


Tous les matins dans sa grotte, ma marraine énorme et sotte dégrafe son grand burnous, m'invite à boire son torse mou. À la lueur d'un briquet, fiévreux, affamé, j'empoigne les deux mamelons gorgés de vin liquoreux d'Espagne.
Chaque soir jusqu'en novembre, elle me cire et me cajole, me bâtit de nouveaux membres et rallonge ma camisole. Et puis vers la fin décembre, elle me savonne et m'épile, m'enferme dans une chambre froide jusqu'au mois d'avril.
Alors avec les beaux jours, ma marraine en aménorrhée me déglace avec amour et m'avale d'un trait.


Albin de la Simone : baguette capitol, guitare, prophet V, tuner FM
Simone :  piano



En attendant le retour du printemps, Simone, seule dans le froid, s’ennuie ferme. Ces dernières années, en assemblant de vieux débris, elle s’est confectionné une sorte de piano. Pas parfait, mais honnête. Et elle joue continuellement, voûtée sur l’engin. Au début c’était  horrible, mais avec le temps, ses interminables improvisations sont devenues presque agréables. Jean-Baptiste Brunhes a caché un micro dans l’instrument et en a enregistré quatre mois. Voici, pour finir ce disque, les vingt plus belles minutes de Simone pianiste.










 


Je vais changer

Réalisé et arrangé par Albin de la Simone

Enregistré par Jean-Baptiste Brunhes assisté de Jean-Michel Bourroux pendant la première quinzaine de décembre 2004 au fantastique studio Véga à Carpentras, sauf quelques petits compléments enregistrés durant les jours suivants au studio Jej Garden à Paris, et enfin, les voix de Ces mots stupides enregistrées par Dominique Ledudal au studio Garage, à Paris.

Mixé en janvier 2005 au studio Ferber à Paris par Jean-Baptiste Brunhes et Albin de la Simone, assistés de Benjamin Joubert sauf J’ai changé, Avril 4000 et Ces mots stupides, mixés par Renaud Letang assisté de Benjamin Joubert, toujours à Ferber.
Masterisé par Chab en février 2005 aux studios Translab.
Organisé par Laetitia Constantin, Laurence Fumet et Lambert Boudier

Jeanne Cherhal apparaît avec l’aimable autorisation de tôt Ou tard.

Les photos et le graphisme sont de David Zacharias, sous le regard de Nathalie Noennec.






Un disque ne se fait pas seul. Merci colossal à tous les artistes-amis qui m’ont beaucoup donné : Chab, David Z, Dominique, Éric, Fabrice, JB, Jeanne, Jérôme, Pascalou, Patrice, Renaud… et Lambert !
Merci au Flantre. Merci à Thierry Plannelle, Laurent Chapeau, Laetitia Constantin, Laurence Fumet, et tous ceux, chez Virgin, qui vont s’occuper de ce disque à partir de maintenant. Merci à Antoine Dathanat, Marie Nowak, Éric Michon, Stéphane Berlow et tout le monde chez BMG publishing. Merci à Céline Lemée, Olivier Touati, Charles Bensmaine et toute l’équipe d’Olympictour. Merci à Manfred et Michèle Kovacic pour leur accueil, leur studio et leurs moustaches. Merci à Jean-Christophe de Ferberec pour son studio Ferber. Merci à Jean-Paul Gonnod pour sa sublime basse Hofner. Merci aux grands yeux de Nathalie Noennec. Merci à Malka Braun qui est super. Merci à ma famille et à mes amis. Merci encore à Philippe Gandilhon. Merci à JP Nataf, roi du conseil. Merci à Vincent Delerm pour plein de raisons. Merci à Vincent Frèrebeau, et à toute son agence matrimoniale. Merci à Mathieu Boogaerts pour l’inspiration de la mélodie de J’ai changé. Merci à -M- et à toute son équipe qui ont tant fait pour moi. Merci à tous les programmateurs qui m’ont invité en 2004. Merci aux membres du forum qui maintiennent Simone en vie. Merci à Simone.

Albin