vendredi 31 juillet 2009

Vertiges !




Sarah Murcia & Albin de la Simone
Vertiges de l'amour (bergman/Bashung)


Extrait de Nighting eighties, une émission de Paul Ouazan diffusée sur Arte durant l'été 2009.


Pour cette émission, Sarah et moi avions arrangé une bonne dizaine de tubes des années 80 (Sara perche ti amo, 99 Luftballons, Sweet Dreams, Ghostbusters...) pour quatre interprètes : Dave, Élise Caron, Marc Thompkins et Brad Scott, et un super orchestre (nous l'avions fait deux ans plus tôt pour les tubes de l'année 1967)


Paul Ouazan nous a demandé de nous y impliquer aussi en tant que chanteurs... on a choisi cette incroyable chanson de Bashung. Aujourd'hui j'adore chanter Vertiges de l'amour, et même si Sarah me manque, je la chante à chaque concert.


L'émission est en noir et blanc, elle est belle et étrange, comme tout ce que font Paul Ouazan et ses amis !

samedi 11 juillet 2009

ADLS selon Edwige


Le samedi 11 juillet 2009, par Edwige


Je ne sais pas pour vous, mais quand quelqu’un me touche (au sens figuré du terme évidemment !), c’est souvent parce que je devine en lui l’enfant qu’il a été. D’ailleurs je n’y suis pour rien, Albin de la Simone ne s’en cache pas...

au Café de la Danse, 
Paris, avril 2008


On l’a vu sortir d’une répétition avec son cartable (bon, c’était sans doute prémédité, mais ça marche pour moi), porter une veste rouge pétant assortie à la fourrure synthétique de son clavier ; il ne résiste pas à l’assaut des pains au chocolat, roule en scooter, et surtout, côtoie de drôles de créatures (une sirène sensuelle et possessive nommée Simone, un trio de sœurs végasiennes toxicomanes et hystériques, sans parler de toute la clique des pique-niqueurs : José Jambon, Francine Nappe, Hugo Table, Benjamin Pain, Anso Cisson, Frida Frigo, Marie Eau, Luc, Luke et Luque / les frères Transat [1]).
Bref, Albin, vous l’aurez compris, fait partie de ceux qui me touchent [2]. L’univers de l’enfance affleure dans plusieurs chansons sur un mode doux-amer où l’insouciance enfantine se heurte à la réalité absurde des grands. Dans la forêt d’Albin, les naïves jonquilles, crocus et perce-neiges se mêlent aux chardons et aux orties ; « [...] les deux lutins font une offrande aux deux ennemis qui les protègent » ; le bijou des contes de fées devient un misérable « diamant de verre poli », et la vie rêvée un « matelas de verre pilé » [3]. Cette chanson, derrière ses airs tranquilles et ses parfums d’innocence, résonne comme une charge contre la famille, le mariage, le divorce, avec tout ce qu’il faut d’ironie grinçante. Le refrain mené par les cuivres sonne un peu comme une plainte, avec un brin de nostalgie.


avec les choristes Rose et Barbara Barnes


L’enfant terrible [4]

Dans certaines chansons apparaissent en filigrane des sujets aussi inattendus que le divorce (Ils cueillent des jonquilles), le suicide (Ton Pommier) ou la pédophilie (Notre homme). Autant dire qu’il s’agit de sujets graves pour qui est habitué aux thèmes consensuels de la chanson française [5]. Quant au microcosme organique de Il pleut dans ma bouche, il nous rappelle avec poésie la douleur solitaire d’une dent arrachée – prétexte au chagrin, sans doute, que l’enfant éprouve alors que « [s]es parents dorment dans leurs deux lits » ?
Se prêtant volontiers à l’auto-fiction, Albin nous fait avec J’ai changé le récit d’une enfance et d’une adolescence hautes en couleur, que vient couronner la scène de dépucelage décrite avec truculence dans Non merci [6].
La relation frère-sœur trouve son pendant, à l’âge adulte, dans celle du couple explosif homme-femme : qu’est donc la chanson Du bon côté, sinon la parodie sado-masochiste d’une triviale scène de ménage : « Claque des dents tant que tu peux car une à une je les scierai » ? Le troisième album réactive ces thèmes dans Vendéen, mais cette fois-ci c’est la revanche féminine : « Sans mes mains c’est pas permis / D’avoir de jolis SEINS / Sans mes mains que tu mutiles / Que tu coupes à la SCIE ». Dans ces chansons, Albin parle à la première personne, et s’adresse à sa partenaire comme dans un dialogue quotidien. Ce procédé facilite l’identification des auditeurs. D’ailleurs, les chansons populaires suivent souvent ce modèle d’universalité : plus elles sont simples, plus il est facile de s’y identifier [7]. Toute modestie mise à part, Albin sort du cadre, non seulement parce qu’il cède sans vergogne à une facétieuse provocation, mais aussi parce qu’il travaille énormément son texte, d’une rare densité sonore.

Masculin-féminin

Combien de fois rencontre-t-on, dans les chansons d’Albin, d’allusions grinçantes à la relation de couple ? Combien d’allusions parodiques à l’érotisme ou, à l’inverse, au sentimentalisme outranciers ? Certes, Albin nous prodigue des rythmes denses, des mélodies simples qui nous trottent dans la tête des jours durant, mais il n’est pas permis de manquer le texte. Ce serait un crime de lèse-poésie. Bien des détours de phrase valent qu’on y prête l’oreille : « D’abord, je le devine, vous vous refuserez à céder comme celles en qui je suis passé. » Et oui, il faut l’entendre, cette préposition culottée, aussi discrète soit-elle, dans Avant tout I want you (le drame d’un mariage arrangé, qui fait de l’homme et de la femme les caricatures d’eux-mêmes, sur fond de romance à l’eau de rose). « Quand j’aurai du temps, on ira courir mouillés dans le vent sans craindre le pire. / Alors enrhumés, on s’enfermera, on boira du thé et on copulera. » et dernière phrase « quand j’aurai du temps tu seras partie » (Quand j’aurai du temps) [8] ; les promesses, les projets, la famille et le sexe se bousculant dans la joie et la bonne humeur...
Les clichés amoureux abondent et viennent nourrir l’imaginaire déjanté d’Albin pour créer une nouvelle « comédie humaine », légère et facétieuse. Le motif de la lettre enflammée réapparaît souvent (Avant tout I want you, Les Piranhas, J’aime lire, J’avais chaud). Dans Avril 4000, on pourrait croire qu’Albin s’est inspiré de l’expression « l’amour rend aveugle » dans le refrain « nous ne verrons que nous » répété inlassablement, jusqu’à saturation, l’idéal fusionnel donnant lieu à un texte poétique étonnant. En tout cas, une chose est sûre, l’amour frise souvent l’absurde (Elle aime, Tu es là, Je te manque, Vendéen).

Le théâtre du corps

Comme Albin le reconnaît lui-même, le corps tient une place de premier plan dans ses chansons, qu’il s’agisse des textes ou de leur mise en scène lors des concerts [9]. J’irais jusqu’à parler d’une anatomie quasi fantastique, dans Délice et Simone notamment. Dans la première chanson, Simone s’apparente à une étrange sirène, d’où une mélodie trouble, criblée de tritons, nous laissant imaginer la danse sensuelle, presque nuptiale dont elle gratifie Albin sans aucune pudeur. Ce « délice » musical s’élabore à partir de l’élément aquatique, qui concentre en lui-même tout le trouble et l’ambiguïté requis pour figurer la volupté. La créature, telle une algue mi-végétale, mi-humaine ou encore mi-humaine mi-méduse, laisse échapper de ses flancs alvéolés un exsudat vireux. Simone est une magicienne, une sorcière qui se fait un plaisir de cuisiner Albin. Son insidieuse féminité, que matérialisent ses « langues nodulées », le méduse : tel un « pacha transi », il est « prêt à mourir ». Dans le petit poème intitulé Simone, Albin est de nouveau transi, de froid cette fois puisque son ogresse marraine « [l’]enferme dans une chambre froide jusqu’au mois d’avril ».
Albin a, comme nous l’avons déjà évoqué, élaboré un mythe à partir de son patronyme. « Simone » est le nom d’une petite rivière de Picardie ; c’est elle qui a donné son nom à la drôle de créature apparue dès le premier album dans Délice. Elle a également fait une apparition remarquée dans le livret du deuxième album, imposant ses gribouillis sur le portrait d’Albin. Dans la généalogie des chimères d’Albin, on trouve, avant Simone, dans le premier album, le gang des piranhas terroristes (d’ailleurs victimes d’un Albin pyromane) : « Je crois bien qu’il y en a un géant qui joue dans le piano. » Les chimères d’Albin sont toujours mélomanes...

Notes

[1] Vous pouvez trouver leurs biographies et portraits respectifs sur le site de Benjamin Demeyer. Mon pique-nique est « un livre plein de belles histoires et un disque en vinyle tout blanc rempli de jolies chansons ». Y ont participé, entre autres, Albin de la Simone, Jeanne Cherhal, Superflu, Major de Luxe. J’en profite pour faire un peu de pub : il reste encore des collectors en supracolor, alors précipitez-vous avant qu’il ne soit trop tard !

[2] Il ferait bien partie de « Ceux qui veulent bien n’être / Qu’une simple fenêtre / Pour les yeux des enfants », pour citer les paroles d’Anne Sylvestre qu’Albin a lui-même reprises dans un trio, aux côtés de Vincent Delerm et Jeanne Cherhal ("les gens qui doutent").

[3] Moi qui ai bûché pendant un an sur les Illuminations de Rimbaud pour rédiger une maîtrise ennuyeuse qui s’empoussière aujourd’hui au fin fond d’une UFR de lettres, je ne peux cacher mon enthousiasme devant la musicalité d’une telle expression. C’est simple, et pourtant... Un pur plaisir sonore !

[4] J’aime bien la définition de la Wikipedia anglophone : « [...] a child who is terrifyingly candid by saying embarrassing things to adults, especially parents. The Webster’s Dictionary also defines an enfant terrible as an unusually successful person who is strikingly unorthodox, innovative, and/or avant-garde. »

[5] « Dans le domaine de la musique, le mot “variété” qualifie aussi des morceaux aux arrangements très sucrés, où le recours au thème de l’amour malheureux est systématique. », La marmite, coll. « Carré », La machine à cailloux, 2007, p. 22.

[6] Jetez un coup d’œil au clip de la chanson, non moins décoiffant...

[7] « Quel que soit le sujet qu’il m’arrive de traiter, amusant ou dramatique, je cherche toujours la forme la plus simple et la plus puissante pour communiquer au mieux, pour évoquer les émotions ou les événements les plus complexes de la manière la plus simple. Voilà l’essence même de la chanson, je ne pense pas être original en l’affirmant. », op. cit., p. 15 et à propos de J’ai changé, p. 16.

[8] Albin, il faut le reconnaître, est extrêmement doué dans l’art de la chute (Ton pommier, Quand j’aurai du temps, Elle aime).

[9] « Et puis, plus j’avance et plus je m’aperçois que j’ai un corps et pas seulement une tête. À mon grand étonnement, je constate que nombre de mes chansons évoquent des sensations physiques, des organes ou des situations qui mettent en jeu le corps, comme Cigare, Je te manque ou Non merci. Depuis que j’ai arrêté de fumer, j’ai pris conscience et aussi possession de mon corps. La scène reflète ces changements tout personnels. Mon corps y prend de plus en plus de place : je saute, je danse, je bouge, je vais m’asseoir au bord de la scène pour chanter avec le public, etc. », op. cit., p. 29.

jeudi 9 juillet 2009

Aux bouffes du nord




Camille - Elle s'en va
Avec Anne-Emmanuelle Deroo (danse)
et Seb Martel (guitare)

Camille et Seb Martel viennent de faire le plus beau concert que j'ai vu d'elle, et de lui. Incroyablement fort et beau, dans le théâtre élégamment délabré des Bouffes du Nord. Pendant près de deux heures je me suis dit "voilà une belle raison de faire de la musique". Ce n'est pas rien. Ça veut dire aussi que j'adorerais vivre ça avec eux.
Après le rappel, Seb appelle la danseuse Anne-Emmanuelle Deroo à les rejoindre sur scène, et, puisqu'il sait que je suis là (il m'a offert la place !), me propose de les rejoindre. Mon sang ne fait qu'un tour. Non il en fait trente, mais en une seconde.
Je ne connais pas cette chanson mais Seb m'explique qu'il y a deux accords, pas de virage dangereux, je peux me laisser aller.
Par chance quelqu'un filme.

Voilà une belle raison de faire de la musique.