samedi 30 octobre 2010

Vanessa Paradis par ADLS


Article paru dans le magazine Serge (version longue)


Je connaissais déjà Vanessa Paradis depuis quelques jours quand je l'ai véritablement rencontrée.
Nous étions une bande d'amis réunis autour d'elle et nous enregistrions depuis plusieurs jours ce qui allait être l'album Divinidylle. Nous jouions tous ensemble, casque sur les oreilles, et Vanessa chantait avec nous de l'autre côté de la vitre à côté de l'ingénieur du son. Il faut savoir que tous les disques ne se font pas comme ça, c'est une méthode plutôt "à l'ancienne".
Nous avions déjà mis plusieurs chansons en boîte les jours précédents dans une ambiance très détendue, mais ce soir-là, nous restions bloqués depuis des heures sur la chanson Junior Suite que nous avions déjà essayée dans trois versions différentes. Une très pop-baba-cool (trop), une très slow (trop) et une autre simplement moche. Nous étions découragés, il était très tard. Je me souviens que je voulais rentrer. Mais Matthieu Chedid avait proposé que nous en tentions une dernière version, accompagnée juste au piano. Par moi, donc. Vanessa était allée s'enfermer dans une cabine du studio et j'avais rejoint le piano dans une autre. Nous étions donc isolés, chacun dans sa pièce obscure, casques et micros grands ouverts, connectés l'un à l'autre par le son uniquement. Cette intimité soudaine m'avait rappelé que je ne connaissais presque pas Vanessa et m'avait beaucoup fragilisé, ce qui peut être bon pour la musique. Je l'entendais respirer dans mon oreille. Ce n'est pas rien. Alors j'avais décidé de jouer de la manière la plus douce et aérée possible. Le son dans le casque était magnifique. Vanessa avait commencé à chanter, pure et sensible. Après deux prises en apesanteur, nous étions allés rejoindre le reste du groupe qui nous regardait avec des yeux ronds et rouges.
Nous avions trouvé notre Junior Suite et je venais de rencontrer Vanessa.



Au mois d'août dernier, au lendemain de mon concert à Montréal, je recevais un message de Vanessa me proposant, à l'occasion de l'édition d'un best of, de ré-enregistrer deux de ses anciennes chansons pour en faire la version-qu'on-rêve-d'entendre-aujourd'hui. C'est une idée qui m'emballait. Je me souvenais de la tournée d'Alain Souchon pour laquelle nous avions un peu fait cela et j'avais adoré jouer et entendre ses superbes chansons dégagées du style qui les liait tant à leur époque et qui, je dois l'avouer, m'en gâchait parfois un peu l'accès.
L'enregistrement devait avoir lieu une semaine plus tard, dès mon retour à Paris. Nous allions devoir tout décider par skype. Alors, face à nos écrans, nous nous étions mis à rêver de Marylin et John perdus dans le désert, de Vagues à lames ou Scarabée enrobées de bois et d'air, d'instruments rustiques, doux, chauds, de piano, d'envolées de cordes, de couleurs brunes...
Au studio Ferber, une semaine plus tard, j'avais la trouille.
J'étais pour la première fois responsable d'un enregistrement de Vanessa. J'avais écrit pour un trio de corde. Elles arrivaient dans une heure et je ne les connaissais pas. Vanessa ne connaissait pas l'arrangement que j'avais écrit. J'avais bien essayé de le lui chanter par skype, mais le décalage de quelques secondes, et ma voix assez éloignée du son des violons, nous avaient compliqué la tâche...
Alors que je lui jouais au piano ce que pouvait devenir Scarabée, Vanessa, assise à côté de moi sur le tabouret me faisait une remarque qui montre bien la précision et la finesse de son rapport à la musique, et à l'émotion. Si tu dramatises le piano comme ça, je vais pleurer, c'est sûr, mais ce n'est pas ce que je veux. Ça doit être plus subtil.
Tout s'est très bien passé, en douceur, et à la fin de la journée, l'enregistrement de sa voix m'a confirmé que Vanessa est une interprète idéale : l'actrice et la musicienne en elles sont parfaitement équilibrées, épanouies. Elle est sûre, forte, et elle peut être fragile aussi. En remarquant ça, j'ai compris comme une évidence que plus la musique lui laissait de place, plus Vanessa était forte. Je me le suis tatoué sur le bras pour ne pas l'oublier (je déconne).
Les deux chansons nous ont beaucoup plu et rapidement il a été question de pousser cette idée plus loin. Faire un concert pour fêter la sortie du best of, en ajoutant treize autres chansons puisées dans son répertoire, les soumettant à la même remise en question : Qu'aime-t-on dans cette chanson, et comment voudrait-on l'entendre. Le rêve pour un arrangeur. Cette fois j'étais à Paris ou en Suisse, Vanessa était en Amérique. Skype chauffait ! Nous choisissions les chansons qui nous inspiraient, en négociant parfois : je n'avais pas envie de faire Dans mon café, mais elle la voulait absolument (Au final j'aime beaucoup la folie et la bizarrerie de cette chanson, et son début où Vanessa commence seule avec les percussions). Je voyais Joe le Taxi roulant à 200 km/h sur une autoroute, mais au ralenti. Je lui proposais dix idées pour I wouldn't dare mais aucune ne lui plaisait, je m'arrachais les cheveux ET la barbe. Parfois, en plein skype, pour lui faire entendre une idée, je partais dans la pièce à côté pour lui jouer un truc au piano, abandonnant Vanessa sur l'écran de mon mac, face à mon bureau vide... (j'aime l'incongruité de cette scène, vue par exemple par un homme préhistorique).
Nous parlions beaucoup de ce que nous voulions exprimer. Comment donner du relief à un concert en y excluant l'énergie pop-rock, l'électricité, mais en gérant avec précision les rapports entre les chansons. Comment frapper un grand coup en effleurant nos instruments (les instruments sonnent tellement mieux quand on les joue doucement). Comment on peut être aussi expressif en taisant quelque chose qu'en le criant. Comment nous pouvions faire entrer son public, plus habitué aux Zéniths et aux concerts puissants, dans un récital doux, où le silence est l'un des membres importants de l'orchestre !
Je lui parlais de mes amis, le groupe qui m'accompagne dans mes concerts, qui sont si avancés dans cette démarche. Raphaël qui joue des percussions sur des objets, des sachets, de sa boîte d'allumettes contenant 4 allumettes (5 font trop de bruit). De Pascalou qui joue tout ce qu'il veut sur tout instrument, avec une sensibilité et un style très affirmés, et bien sûr de François et de sa dentelle qu'elle connaissait bien puisqu'il était de la précédente tournée. Nous parlions d'un quatuor à cordes hyper-expressif, dont les membres joueraient éventuellement de la guitare, des percussions, chanteraient les chœurs...
Nous réfléchissions à la façon dont le mot acoustique était galvaudé (Christophe Maé en tournée acoustique avec basse et batterie, dans des Zéniths, tout le monde en tournée acoustique, pourquoi pas ma grand-mère en acoustique, les Bronzés en acoustique, ACDC en acoustique re-électrifié...).
Ce concert a eu lieu à la Cigale en novembre 2009. Très impressionnant pour nous, puissant, et frustrant car unique. Mais il nous a beaucoup plu à tous. Il est passé en janvier sur Canal plus. Et très vite, il a été question de le rejouer.

Nous sommes partis en tournée l'été suivant.
Après des heures de skype, le projet du concert était dessiné. Vanessa y jouerait plus qu'avant. De la guitare mais aussi une partie de clavier qu'elle avait trois mois pour maîtriser, ce qui ne lui faisait pas plus peur que ça. Nous allions ajouter Bliss, Be my Baby, When I say, plein de chansons que j'aime et qui me donnaient plein d'envies et d'idées, et puis Tandem que je n'aime pas trop. Mais nous allions trouver un truc sympa... Et nous allions vivre un très beau moment musical et humain, tous ensemble. Musiciens, techniciens, la main dans la main, heureux, beaux, nus, chantant l'amour et les fleurs. Je déconne. Mais pas tant que ça.
Théâtres, théâtres antiques, Casino de Paris, l'hallucinant Opéra Royal du château de Versailles... de beaux endroits, des endroits à l'acoustique et à l'atmosphère en accord avec nos choix musicaux. Et du champagne.
Et très vite, il a été question de recommencer... mais à l'étranger. Et pas n'importe lequel : l'étranger non-francophone. Depuis que je ne joue plus avec Salif Keita (dix ans) mes occasions de jouer devant des étrangérophones se comptent sur les doigts de Django Reinhardt. Donc, avec une joie mêlée d'orgueil, après une semaine aux folies Bergères à Paris fin janvier, nous nous envolerons pour Istanbul, Londres, Tel Aviv, Los Angeles, New-York, Montréal.
Enfin, s'envoler... je préfère pas trop prendre l'avion, moi. Je crois que je vais suivre en optimiste.






vendredi 8 octobre 2010

In-sect.tv





Interview réalisée par Mathieu B. Michon pour le blog In-sect.tv où il est question de la Loge, de l'absence de sonorisation, de fragilité...

samedi 2 octobre 2010

La Loge, 2010




Voici une vidéo, prise par un spectateur, qui raconte bien ce que permettaient les concerts à la Loge en 2010. Pas de sono, 90 personnes maxi. Pas de chichis...
J'en garde un très grand souvenir.